Nous voulons faire société dans la différence

eliane_crepelComme chaque année, le Groupe local de réflexion, composé de femmes et d’hommes, agriculteurs ou non, du Gers et des Hautes-Pyrénées, se réunissent en amont des Controverses européennes de Marciac pour réagir aux sujets proposés, les instruire en partant des réalités de leurs territoires et exprimer le fruit de cette réflexion à la tribune. Pour cette 22ème édition, c’est Eliane Crépel, infirmière scolaire, au style et au ton reconnaissables entre tous, qui livre la synthèse des échanges âprement disputés au sein du groupe.

Oui il y a eu des ruptures dans notre groupe local.
Oui notre groupe est traversé de ces lignes de faille.
Oui nous nous sommes affrontés sur des visions différentes de l’avenir souhaité.
Alors « Avec quoi nous faut-il rompre pour réinventer l’avenir ? ».
Je vais vous livrer les paradoxes devant lesquels nous étions.

Concernant la passion du métier d’agriculteur
Du passionnel ou de l’économique, l’un doit-il dominer sur l’autre ?

  • Si la passion est essentielle au métier d’agriculteur, pouvoir en vivre n’est-il pas également essentiel ?
  • Les deux s’opposent, mais la rupture n’est-elle pas de trouver le système qui permet d’équilibrer les deux.

Le statut de l’agriculteur

  • Il est chef d’entreprise
  • Il a besoin de compétences pour produire, pour gérer et pour vendre.
  • Son enjeu est de vivre de son travail, mais cela doit-il passer par le dogme du « toujours plus » ? (plus d’hectares, de matériel, de normes, d’endettement… d’insomnies).
  • S’il est parfois amené à embaucher, n’est-il pas paradoxal que son salarié soit souvent mieux payé que lui ?
  • Tout cela ne conduit-il pas parfois au désespoir, comme notre jeune collègue qui a choisi de mettre fin à ses jours à quelques kilomètres d’ici?
  • La qualité, le toujours mieux représente-t-il une alternative ou un complément?
  • N’est-il pas nécessaire aujourd’hui que l’agriculteur puisse à nouveau analyser, expérimenter, innover dans sa propre entreprise et être formé à cela ?

Que lui manque-t-il ?

  • Réduire ses charges,
  • rompre l’isolement,
  • échanger, s’entraider, s’associer, coopérer et mutualiser,
  • savoir raconter son métier,
  • développer les liens sociaux et la communication,
  • avoir une vie sociale au milieu des autres ruraux.

Une représentation de la profession monolithique, pour des pratiques diverses 

  • Activité agricole avec 10 salariés = raisonnement d’entreprise ;
  • coopératives devenues acteurs financiers = raisonnement macro-économique ;
  • agriculteurs regroupés = raisonnement de type société ;
  • agriculteur seul sur ses terres = raisonnement à l’échelle de l’exploitation, etc.

Qu’en est-il des dogmes véhiculés par les organisations professionnelles ?

  • Le toujours plus
  • « la coop, c’est toujours mieux que du privé »
  • « il faut qu’il y ait moins d’agriculteurs »
  • « il faut un syndicat majoritaire »

Les organisations professionnelles agricoles

  • Entourés d’Organismes Agricoles créés par les générations précédentes, les agriculteurs d’aujourd’hui s’y retrouvent mal.
  • Des coopératives appelées à grandir toujours plus, pour répondre aux lois du commerce international où l’interface locale ne semble pas toujours bien perçue.
  • Cela provoque un agacement persistant, surtout en période sombre sur le marché des matières premières.
  • Des organismes bancaires, d’assurances ou de gestion toujours plus loin du terrain, engouffrés, eux-aussi, dans des mises aux normes continues, accélèrent l’incompréhension.

De la présence sur le terrain à la représentation ailleurs ?
S’approprier le syndicat ou la coopérative

  • Comme les responsables politiques, les responsables agricoles, souvent multi-cartes et bien ancrés dans leur deuxième métier, génèrent cette même méfiance d’une base désabusée.
  • Ici le maillage est vu comme un « cadenassage avec et par des représentants professionnels » qui sont vécus comme « des professionnels de la représentation » : en théorie les élections sont ouvertes à tous, mais en fait : « Il se présente celui-là ? » ; « Non, pas lui, on va soutenir quelqu’un qu’on connaît bien ». Les verrous posés sont incontournables.
  • Doit-on perpétuer, de fait, la place de ceux qui ont le pouvoir ?

D’autres questions abordées par le groupe

A propos du foncier… 

  • ouverture du foncier vers des investisseurs hors profession
  • rupture des mentalités
  • captation des terres

Et de l’isolement de l’Agriculture

  • Comment se positionne le monde agricole aujourd’hui dans les grands débats de société ?
  • La santé et la sauvegarde de l’espèce humaine sont des questions importantes. Les choix industriels faits sont de nature à hypothéquer cela.
  • Les paysans se sentent solidaires du reste de la société face aux attentats et certains ont déploré l’absence de leurs représentants syndicaux agricoles au côté des autres syndicats après les attentats de Charlie Hebdo.

Nous voulons faire société dans la différence

Pour finir, nous vous convions au débat off (1) ce soir, ici, sous les platanes, à partir de 20h30, qui portera sur la question : « La coopération idéale portée par les agriculteurs est-elle l’idéal de la coopérative ? »

[1] Ecouter les entretiens audio (4’), réalisés par Yann Kerveno, lors du off des Controverses, C’est quoi une coopérative idéale ?

Retrouver les ACTES COMPLETS des 22èmes Controverses européennes de Marciac (PDF, 72 pages)

logo-projet-soutenu-couleurLes actes des 22èmes Controverses européennes de Marciac sont édités grâce au soutien de la Fondation de France.

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