Transformer les relations homme-nature-technique, pour refonder les systèmes agricoles et alimentaires

Une contribution aux 23es Controverses européennes de Marciac, par Philippe Cousinié qui intervient ici à titre personnel. Il est ingénieur agronome avec deux spécialités : agronomie tropicale et économie agricole et alimentaire, animateur national du réseau thématique « Agronomie Ecophyto » et membre du comité de pilotage d’OSAE (Osons l’Agroécologie).

Les relations homme-nature-technique sont aujourd’hui profondément questionnées par le constat vérifié du réchauffement climatique, de l’épuisement accéléré des ressources naturelles et d’une dégradation généralisée de notre environnement. L’agriculture industrielle a largement contribué à ces effets, en intégrant tous les acteurs des systèmes alimentaires, y compris les consommateurs. Pour évoluer vers de nouveaux rapports à la nature, des ruptures profondes sont nécessaires en agriculture et en alimentation afin de préserver la planète et ses habitants. Nous aborderons les effets de l’homme sur la nature, les enjeux de l’éthique et des pistes de prospective des systèmes alimentaires en nous basant sur des hypothèses de rupture dépendant du processus de conscientisation écologique de l’humanité face aux limites environnementales (Cousinié, 2017).

La dégradation de notre planète et ses conséquences sur les relations homme-nature-technique
Les effets de l’homme et des techniques sur la nature présentent des inconvénients majeurs, reconnus scientifiquement mais en attente de décisions politiques qui soient à la hauteur du constat : une destruction et fragilisation des écosystèmes ; une raréfaction des ressources naturelles ; un changement climatique irréversible ; des menaces sur toutes les formes de vie avec des impacts sur l’eau, l’air, les sols et l’atmosphère ; de nouvelles maladies et ravageurs résultant des déséquilibres écologiques ; un effet social et économique important suivi de concentration et de verrouillage sociotechnique (Meynard, 2017) et un accroissement de l’incertitude, des aléas et des risques du fait des crises multiples et du déséquilibre croissant des écosystèmes.

Le rôle de l’éthique appliquée pour repenser les relations homme-nature-technique
Après son oubli ou sa fermeture (Morin, 2015), l’éthique apporte un éclairage déterminant pour comprendre le sens des actions en lien avec les relations homme-nature-technique afin de développer le « savoir-agir » dans le respect de la nature et de la vie. Nous nous référons aux éthiques appliquées comme l’éthique environnementale, apparue avec Aldo Leopold en 1948 (Larrère C. et R., 2015) mais aussi à celle des sciences (Toulouse, 2004) tout comme à la responsabilité de l’homme (Hans Jonas) et à l’agroécologie elle-même (Brésil, Etats-Unis, Espagne et France avec Pierre Rabhi).
Cinq grands principes éthiques appliqués à l’agroécologie ressortent pour repenser les relations homme-nature-technique :

  • La conscientisation écologique avec de nouveaux rapports homme-nature respectueux de l’environnement et de la vie face aux limites de la terre.
  • La responsabilité de l’homme, reprise par de nombreux auteurs, pour la préservation des ressources naturelles, les générations futures ou l’équité sociale et alimentaire.
  • La solidarité qu’elle soit humaine, intellectuelle ou transgénérationnelle.
  • L’autonomie dans le sens de la liberté d’action, de la souveraineté et de l’efficience.
  • La gestion du territoire afin d’optimiser et de favoriser les ressources locales et l’esthétique paysagère. 

    Vers une conscientisation écologique pour refonder les systèmes agricoles et alimentaires
    La société moderne est passée d’une économie « solaire » à une économie « minière » (Daviron et Allaire, 2017). Tout l’enjeu est de transformer la relation homme, nature et technique pour refonder nos systèmes agricoles et alimentaires afin de trouver un équilibre planétaire. L’humanité est confrontée à sa disparition ou à devoir changer de relation à la nature pour revenir au réel et à une planète où les humains vivraient en paix avec eux-mêmes, avec les autres humains et la nature (Grandjean, 2016). Des scénarios existent déjà (Afterres 2050, 2016) ou restent à imaginer mais la conscientisation écologique reste la clé du changement intérieur indispensable pour responsabiliser à grande échelle les hommes dans le respect de la nature et de la vie sur terre.
    philippe.cousinie@educagri.fr

    Article de référence lié à cette contribution à télécharger : «Les effets des relations homme-nature-technique sur l’agriculture et l’alimentation de demain», Philippe Cousinié, 2017, pdf de 10 pages.

    Références citées : Afterres 2050, 2016 : le scénario Afterres 2020 version 2016. Cousinié Philippe, 2017 : Les effets des relations homme-nature-technique sur l’agriculture et l’alimentation de demain. Daviron Benoît et Allaire Gilles, 2017 : Energie, biomasse, hégémonie : une histoire longue des transformations des agricultures. Grandjean Alain, 2016 : Les crises actuelles : signes de la fin de l’humanité ou d’une métamorphose ? Larrère Catherine et Larrère Raphaël, 2015 : Penser et agir avec la nature – Une enquête philosophique. Meynard Jean-Marc, 2017 : L’agroécologie, un nouveau rapport aux savoirs et à l’innovation. Morin Edgar, 2015 : Ode à la pensée complexe. Toulouse Gérard, 2004 : Le mouvement éthique dans les sciences: pourquoi maintenant ? Pourquoi si tard ?
    La société moderne est passée d’une économie « solaire » à une économie « minière » (Daviron et Allaire, 2017). Tout l’enjeu est de transformer la relation homme, nature et technique pour refonder nos systèmes agricoles et alimentaires afin de trouver un équilibre planétaire. L’humanité est confrontée à sa disparition ou à devoir changer de relation à la nature pour revenir au réel et à une planète où les humains vivraient en paix avec eux-mêmes, avec les autres humains et la nature (Grandjean, 2016). Des scénarios existent déjà (Afterres 2050, 2016) ou restent à imaginer mais la conscientisation écologique reste la clé du changement intérieur indispensable pour responsabiliser à grande échelle les hommes dans le respect de la nature et de la vie sur terre.